Deux ans après Sils Maria, la sortie de Personal Shopper marque une nouvelle étape dans la collaboration entre Olivier Assayas et Kristen Stewart. Le Paris de la mode dans lequel évolue – sans grande conviction – la jeune femme se mêle ici à une représentation beaucoup plus inquiétante de la capitale, alors que d’étranges messages anonymes semblent ouvrir grand la porte aux esprits de certains disparus. À travers sa filmographie parisienne, retour sur le parcours d’Olivier Assayas, cinéaste particulièrement observateur de la jeunesse. 

Olivier Assayas est né à Paris en janvier 1955. Homme de l’écrit autant que de l’image, il suit des études de lettres avant de s’intéresser au graphisme et à la peinture. Mais ses préférences vont vers l’univers cinématographique.

Il collabore aux pages cinéma de la revue phare de bandes dessinées pour adultes des années 1970, Métal hurlant, puis devient critique aux Cahiers du cinéma. Cinéaste cinéphile, comme il est de mise aux Cahiers, il a analysé le travail de nombreux auteurs cinématographiques et est un connaisseur respecté du cinéma asiatique.


Une jeunesse francilienne

Olivier Assayas est un fidèle représentant du cinéma d’auteur français, introspectif, et parfois intimiste. Témoin de sa génération, la majeure partie de son œuvre cinématographique est marquée par les ambiances musicales rock des années 1970-1980. Son univers de prédilection a longtemps été la jeunesse, post-soixante-huitarde, urbaine, sentimentale, désorientée et insoumise.

En avant la musique

Son attrait pour la capitale et sa banlieue se manifeste dés 1981. Cette année-là, il co-écrit avec et pour son ami Laurent Perrin, le scénario de Scopitone, un court métrage qui met en scène les dérives d'un zonard dans le Belleville insalubre de la fin des années 1970.

Il travaille à nouveau en 1985 avec Laurent Perrin pour le scénario de Passage secret, un long métrage sur l'adolescence délinquante, essentiellement tourné dans la pittoresque rue des Vertus, dans le 3e arrondissement. La même année, il co-écrit Rendez-vous avec André Téchiné. Cette collaboration se poursuivra plus tard avec deux autres longs métrages, Lieu du crime (1986) et Alice et Martin (1998).


Jeunesse en quête de sens

La plupart des fictions réalisées ensuite par Olivier Assayas ont pour décors Paris intra-muros ou cet entre-deux aux limites mal définies, la banlieue. En 1986, Désordre, film qui sera couronné par le prix de la Critique internationale au Festival de Venise, montre une adolescence banlieusarde, romantique et tourmentée, prise au piège d’un lourd secret.



Regards sur désespoir

L’enfant de l’hiver (1988), son second long métrage, est le portrait intimiste d’un quatuor de jeunes Parisiens amoureux et désespérés. En 1991, Paris s’éveille raconte l’histoire d’un adolescent qui vient se confronter à la réalité dans la capitale. Deux ans après, Une nouvelle vie suit une jeune femme, une fille énergique en mal d’amour.

En 1994, Olivier Assayas revient sur sa jeunesse et la banlieue avec L’eau froide, la version cinématographique du téléfilm intitulé La page blanche, réalisée pour une série commandée par ARTE sur l’adolescence. Avec ce film sur le thème difficile du suicide, le cinéaste clôt sa série de regards sur la jeunesse.

Olivier Assayas s'intéresse alors à de nouveaux horizons. Dans Irma Vep (1996), il met en scène un réalisateur de la Nouvelle Vague sur le retour interprété par Jean-Pierre Léaud. Confronté à la logique commerciale de la production cinématographique, celui-ci engage une vedette chinoise (Maggie Cheung) pour dynamiser son remake des Vampires de Louis Feuillade.

Crédits : Dacia Films, Haut et Court

Reconnaissance et affirmation

Olivier Assayas écrit et réalise ensuite Fin août début septembre (1998), une année dans la vie d'un couple de Parisiens trentenaires, de leur séparation à la naissance d'une nouvelle relation, année marquée par la disparition d'un être cher. 

Enfin, en 1999, il signe sa première adaptation cinématographique dans un film d'époque, en costumes, Les destinées sentimentales. Olivier Assayas gravit alors pour la première fois en compétition officielle les marches du Grand Palais à Cannes.

Retour à la sombre modernité

Après cette immersion inattendue dans la fresque en costumes, le cinéaste signe un film résolument moderne, qui se désolidarise de ses aînés : Demonlover (2002). Le film dépeint le monde moderne et s’empare de nouveaux thèmes dans l’air du temps : transactions internationales, circulations d’hommes, de femmes, de marchandises, d’images et de sons, angoisse high-tech, violence des milieux d’affaire, relevés par un soupçon d’érotisme virtuel.



Avec Clean (2004), le cinéaste poursuit son itinéraire singulier marqué par la curiosité et l’expérimentation, et offre une nouvelle occasion à Maggie Cheung d’interpréter un rôle à la mesure de son talent. En 2010, c’est toujours son art du portrait qu’Olivier Assayas décline dans Carlos téléfilm en trois parties consacré à l’activité terroriste d’Ilich Ramírez Sánchez, dit Carlos, militant de la cause palestinienne et représentant à Paris de la branche européenne du FPLP. De l’attentat du Drugstore Saint-Germain le 15 septembre 1974 à celui perpétré contre les bureaux du journal Al-Watan al-Arabi, rue Marboeuf, le 22 avril 1982, en passant par l’assassinat de deux inspecteurs de la DST et un informateur libanais, commis le 27 juin 1975 rue Toullier, c’est une capitale en proie à la panique que le réalisateur dessine derrière son personnage principal.

Crédits : Palms Pictures


Back to basics ?

Après Après mai, en 2012, le réalisateur signe comme un retour à ses thèmes fétiches, ses obsessions pourrait-on dire : Mai 68. En marge de Paris cette fois-ci, c’est dans une ville de banlieue qu’il filme un groupe de jeunes gens devant faire face à leur époque, quelques temps seulement après les soulèvements. Une fiction autobiographique autour de la quête initiatique d’un adolescent qui tente de trouver sa place entre idéologies communistes, libération sexuelle et féminisme, voyages et vocation artistique.

Paris by night

Le Paris fantomatique et nocturne qui se dessine dans Personal Shopper, Olivier Assayas l’avait déjà esquissé dans le court-métrage qu’il avait réalisé en 2005 pour l’oeuvre collective Paris, je t'aime hommage du 7ème art à la capitale française. On y retrouvait l’idée centrale de Clean, la drogue, alors que Maggie Gyllenhaal, actrice américaine en tournage à Paris, errait dans le quartier des Enfants Rouges en compagnie d’un dealer ne la laissant pas indifférente. À travers ses obsessions, ses thèmes récurrents, Assayas ne cesse de dépeindre une ville aux multiples facettes.


Ce contenu est proposé par Paris Cinéma Région