Jacques Kébadian est né en France en 1940 de parents arméniens. Originaires d¹Anatolie, région géographique particulièrement sensible, ils émigrent entre 1922 et 1930.
En 1964, il obtient son diplôme à l¹Idhec.
De 1965 à 1969, il est l¹assistant de Robert Bresson pour les films Au hasard Balthazar, Histoire de Mouchette et Une femme douce.
Dès son premier long-métrage, Trotsky, en 1967, il se tourne vers le documentaire en prise directe avec la sociologie.
Aujourd¹hui, Jacques Kébadian a réalisé de nombreux films et courts-métrages pour la télévision et pour le cinéma, mêlant reportage, discours, photo, extraits de films de fiction et d¹actualité....
Rencontres
De ses rencontres, avec des personnes ou avec des ¦uvres, naît le désir de faire des films.
Ainsi, en 1962, sa rencontre avec le sculpteur Ipoustéguy est déterminante : un véritable ³choc plastique² s¹opère. Ispoustéguy devient l¹allié cinématographique de Jacques Kébadian. Acteur principal ou pas, il apparaît dans sept de ses films.
³Je m¹intéresse au mouvement, à travers le cinéma mais aussi à travers la sculpture. En peinture, ce qui m¹intéresse c¹est le mouvement à l¹intérieur d¹un cadre.... Mais ce qui me plait avant tout, c¹est la relation : la relation au peintre, la relation au sculpteur, la relation à l¹autre...²
³Dans mes films, j¹aime bien retrouver les mêmes personnes : dans 20 ans après je filme une famille qui était déjà une des familles protagonistes dans Que sont mes camarades devenus ?²
Prendre le temps
³Depuis 15 ans, je ne travaille plus avec un opérateur, je prends moi-même la caméra, je prends le temps de filmer, d¹être avec... je filme les événements comme ils se présentent, et je prends aussi le temps de sentir quand il se passe quelque chose.²
Jacques Kébadian ne dirige pas ses ³acteurs², mais établit une véritable relation de confiance. Il filme caméra à l¹épaule. Au montage, il bouleverse la chronologie, choisit des séquences, construit un objet qui oblige le spectateur à sortir de sa passivité, à réfléchir.
Engagements
³L¹hiver 1963, pendant la grève des mineurs, escapade avec une caméra de l¹école (l¹Idhec) et une bande de copains dans le Nord de la France pour filmer leur lutte. Où je vois là, les prémisses d¹un désir de cinéma politique et social².
Puis, c¹est la rencontre avec Robert Bresson. ³A cette époque, Bresson avait une image d¹homme de droite, catholique. Moi, je voyais surtout que ses personnages étaient rebelles, en révolte contre le système social... Bresson lui-même était quelqu¹un d¹assez révolté, surtout contre ce qu¹était devenu le cinéma, ce qu¹il appelait le théâtre photographié².
Engagé politique à l¹extrême gauche, né dans une famille communiste, Jacques Kébadian remet en cause le stalinisme en 1956, puis se lie aux Trotskistes au moment de la guerre d¹Algérie.
En 1969, Jacques Kébadian a déjà un lourd passé de militant :³sous l¹influence des thèses de la Gauche prolétarienne², l¹idée de travailler en usine lui vient progressivement. Il entre chez Valentine à Gennevilliers. Licencié, accusé d¹être le chef d¹une bande armée, il est arrêté : ³Valentine, c¹était effectivement une ³usine-poison² où les ouvriers s¹intoxiquaient en travaillant et n¹avaient aucune protection. Nous on collait des étiquettes ³Valentine-poison² et des têtes de mort sur les pots de peinture. A cette époque on tentait de dénoncer ce type de scandale².
Arménie
A partir des années 1980, après le décès de son père Jacques Kébadian éprouve le besoin faire un retour sur ses origines, de rencontrer le pays mythique que son père lui racontait : ³pour commencer, on s¹intéresse à l¹ensemble de l¹univers, puis nos rêves se brisent un peu. La rébellion est toujours là, mais l¹envie de s¹occuper des origines devient forte elle aussi². C¹est alors que Jacques Kébadian décide de ³filmer les personnes réelles, avant qu¹elles ne disparaissent². De là, il réalise le portait de sa mère à travers Les cinq s¦urs. Plusieurs films essentiels ayant trait à l¹Arménie et son histoire voient le jour....
En 1982, il est, avec son ami Serge Avédikian, l¹un des fondateurs de l¹AAA (Association Audiovisuelle Arménienne) dont les objectifs sont de diffuser et d¹archiver des films de cinéastes d¹Arménie soviétique et de la diaspora et d¹encourager la création d¹¦uvres nouvelles. Il cherche alors, à l¹aide de la caméra, à saisir, à travers le destin d¹un couple ou d¹une famille, le destin des Arméniens au XXe siècle, à analyser la mémoire et l¹identité arméniennes et à travers elles, à traquer le génocide de 1915.
Le statut des étrangers, l¹exil, le déracinement....
Jacques Kébadian s¹intéresse à l¹histoire des peuples. Proche de ceux qui sont déracinés, le peuple arménien, comme les danseuses Apsaras originaires du Cambodge ou les familles africaines sans papiers (1998, D¹une brousse à l¹autre, film présenté lors du 10e Festival de Gardanne connaît un grand écho dans la presse, en France et à l¹étranger), il filme avec une grande proximité et nous livre des documents historiques de grande valeur : c¹est le cas par exemple, avec La fragile Armada, film sur la marche des zapatistes à travers le Mexique : ³Une chance de changer de point de vue, une autre perspective, une autre géographie, un autre calendrier, d¹autres langues aussi, qui ne disent jamais la même chose. Chercher l¹universel en terre indienne. Les indiens, les indiens que nous sommes tous, étrangers sur notre propre terre.²
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