La personnalité de Picasso domine la vie artistique de la première moitié du XXe siècle. Aucun peintre, depuis
Michel-Ange, n'a à ce point stupéfié, subjugué son époque, n'a à ce point déterminé et souvent devancé son
évolution.
Principal auteur de la révolution cubiste qui, autour de 1910, change complètement la face de l'art européen, Picasso a pris la tête du mouvement de retour à l'antique et de reflux vers la tradition qui caractérise les années 1920. Son exemple a été essentiel au développement du surréalisme, de la peinture du rêve et de l'inconscient, et il n'est pas une des inventions stylistiques de notre temps qui, jusqu'en 1950, ne se rattache plus ou moins à son influence.
Pourtant, et bien qu'il ait constamment interrogé tout l'héritage du passé, surtout au niveau des arts primitifs, Picasso est un artiste solitaire et culturellement autonome.
A l'époque de Guernica, pendant la guerre, à travers l'engagement politique qui suit la Libération, il a pu donner l'impression qu'il souhaitait exprimer les angoisses et les espérances de ses contemporains, être l'interprète «humaniste» d'une histoire, mais son œuvre «fanatiquement autobiographique» D. Kahnweiler) n'est en fait que le miroir de lui-même. L'alternance entre la violence et la douceur, le charme sentimental et la
provocation insurrectionnelle qui la caractérise trouve son origine aussi bien dans les péripéties de la vie du
peintre que dans la profonde et mystérieuse ambiguïté de sa nature d'artiste.
Par sa fécondité, la richesse de son iconographie, la diversité des techniques qu'elle utilise et parfois invente, cette œuvre, même si le temps n'en retient pas la totalité, est celle d'un créateur qu'on peut dire universel.